Ajouté le: 13 Mars 2014 L'heure: 15:14

Constantin Brâncoveanu - prince roumain, saint et martyr

Habile et ambigu, argyrophile, ayant amassé une fabuleuse fortune, menant une politique à la limite de la trahison permanente, Constantin Brâncoveanu, prince roumain de la fin du XVIIème siècle (1654-1714), était avant tout un homme très cultivé : il parlait et écrivait couramment, le grec, le latin et le slavon.

Ses vingt-six ans de règne (1688 – 1714) sont un havre de paix, paradoxal presque, pour une principauté située exactement au carrefour de trois Empires en guerre permanente (Ottoman, Autrichien et Russe). Brâncoveanu obtient cette relative stabilité grâce à une politique équivoque et surtout grâce à l’or employé pour acheter la bienveillance des chancelleries, l’influence des plus puissants que lui, les alliances et les complicités sans lesquelles, probablement, un petit pays, aurait été englouti. Clé de son succès diplomatique, l’or sera aussi à l’origine de sa chute…

Quant à sa mort, elle appartient à un autre registre : c’est une victoire grâce à laquelle il deviendra saint et martyr.

Le refus d’abjurer et de passer à l’Islam, malgré l’effroyable supplice qu’a été l’exécution, à tour de rôle, devant lui, de ses quatre enfants, est une « metanoïa », une illumination, dans la grande tradition des saints martyrs chrétiens.

Sans doute, est-il permis de déceler dans le parcours de Constantin Brâncoveanu, un cheminement vers cet instant décisif où son destin va se jouer. En effet, des gestes et des faits de sa vie, si ancrée dans la richesse matérielle, laissent pourtant entrevoir, la possibilité d’une fin exceptionnelle. Il ne s’agit pas d’une conversion, (le prince a toujours été un chrétien fervent, à sa manière…), mais d’une véritable transfiguration, à l’heure du choix essentiel : le Christ, ou autre chose…

FAITS ET GESTES

Après la chute de l’Empire Byzantin, les Principautés Roumaines accueillent des exilés Grecs, iconographes, artistes, plusieurs Patriarches Œcuméniques bannis…Des écoles de théologie fonctionnent en langue grecque, un peu partout…Les Roumains interviennent directement dans l’Empire Ottoman, en aidant puissamment les monastères orthodoxes du Mont Athos : Vatopedi, Grigoriou, Zographou, Simon Petra, etc.

Dans son célèbre ouvrage « Byzance après Byzance », l’historien Nicolae Iorga, voit en cette volonté de continuer Byzance, une sorte de reprise du flambeau.Les voïévodes Roumains se proclament d’ailleurs « basileis » byzantins (Vasile Lupu en 1641) et protecteurs de l’Eglise Œcuménique.

C’est évidemment aussi le cas de Constantin Brancoveanu. Comme pour ses prédécesseurs, le monde orthodoxe lui reconnaitra une autorité de type impérial - l’emploi dans ses lettres de « Voïévode par la grâce de de Dieu » n’a rien de fortuit.

Brâncoveanu ira plus loin : il est le commanditaire, l’inspirateur et le protecteur éclairé, d’un véritable renouveau de civilisation byzantine et de tradition orthodoxe. D’innombrables églises et monastères sont construits à sa demande. Il fait venir d’Istanbul le hiéromoine Antim Ivireanu, futur Métropolite, mais surtout savant polyglotte, tête d’école, éditeur en plusieurs langues (roumain, slavon, grec, géorgien et arabe) de 63 ouvrages orthodoxes (outre la Bible, le Psautier, un Liturgique gréco arabe - premier au monde, imprimé avec des caractères arabes, en 1701, etc.).

Il irrite sans doute les Turcs, avec des gestes en apparence anodins, mais en fait significatifs pour l’orthodoxie : il consacre à Bucarest des évêques « in partibus » (Sebastie, Nyssa). Sa capitale devient le refuge de l’orthodoxie opprimée : « …il héberge à Bucarest Clément d’Adrianopole, Auxentius de Sofia, Euthyme de Pogoniame, Maxime de Hierapolis,… mais aussi de simples prélats, des abbés byzantins faméliques, des lettrés… » A l’académie royale, qu’il fonde à Bucarest en 1694, on enseigne en grec les classiques (Homère, Pythagore…), mais aussi et surtout les Pères de l’Eglise, comme par exemple, Grégoire de Naziance. En ce sens, il aura réussi une remarquable renaissance byzantine en terre roumaine, paradoxale pour l’époque et surtout, à rebours de son destin géopolitique.

Ces faits et gestes préfigurent sa fin tragique.

SAINT ET MARTYR

Les Turcs choisissent leur moment avec un art consommé : le Vendredi Saint, Constantin Brâncoveanu est arrêté à Bucarest, dans son palais, et déporté à Istanbul, avec toute sa famille.

Les mots prononcés lors de sa chute sont déjà prémonitoires et marquent son changement profond, sa « metanoïa » :

« Si ces malheurs viennent de Dieu pour mes pêchés, que Sa volonté soit faite ! S’ils sont le fruit de la méchanceté humaine, que Dieu pardonne à mes ennemis ! »

Emprisonné par ordre du sultan Ahmed III, il subit d’effroyables tortures : il cède facilement pour tout ce qui tient du « matériel », en indiquant les endroits où se trouvent ses immenses richesses.

C’est alors qu’on lui demande l’essentiel : abjurer la foi chrétienne et passer à l’Islam.

Il refuse en son nom et pour ses quatre fils, les princes Constantin, Stefan, Radu et Matei.

Ce qu’il dit, dans ces moments tragiques, ne fait déjà plus partie du vocabulaire d’un prince, mais de celui d’un saint :

« Voilà, toutes les richesses que nous avons amassées sont maintenant perdues. Ne perdons pas aussi nos âmes…Soyez forts et ignorez la mort…Regardez le Christ et pensez à tout ce qu’il a souffert pour nous. Croyez fort en cela et n’abandonnez pas votre foi pour cette vie et pour ce monde. Lavons nos pêchés avec notre sang. »

On peut s’étonner que le prince argyrophile, inconstant et peut être même lâche à certains moments de son histoire, ait su trouver des paroles aussi définitives. C’est oublier ce que le Christ dit jadis aux apôtres :

« Mais lorsqu’on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire ; ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous. »(Mt. 10, 19-20)

L’exécution est décidée, et ce n’est pas un hasard, le 15 Août 1714, jour de la fête de la Mère de Dieu et aussi, anniversaire de Constantin Brâncoveanu.

La mise à mort a été d’une cruauté effroyable : d’après des témoins oculaires et des chroniqueurs, même les spectateurs Turcs, pourtant habituées et amateurs de ce genre de spectacle, ont été épouvantés.

Le premier décapité est son premier ministre, Ienache Vacarescu.

Montent ensuite sur l’échafaud le vieux Constantin Brâncoveanu, humilié, pieds nus, avec des marques de torture, suivi de ses quatre fils, dont le plus jeune, Matei, a seulement 12 ans…

On oblige le père à regarder la décapitation de ses enfants et on lui demande, après chaque exécution, d’abjurer la foi chrétienne, seule condition, pour arrêter la mort du suivant.

Brâncoveanu refuse.

Décider et assumer la mort de ses propres enfants, alors qu’on peut l’éviter avec un seul mot, en abjurant : voilà sa victoire majeure. Il devra confirmer son choix, encore fois. En effet, le dernier enfant, le prince Matei, épouvanté, a un moment de faiblesse et implore son père : « Je ne peux pas. Je passe à l’Islam »

S’ensuit alors l’incroyable dialogue, qui dépasse la condition humaine.

Constantin Brâncoveanu encourage son fils, avec des mots qui semblent venir d’au-delà :

« Personne chez nous n’a abjuré sa foi chrétienne. S’il était possible de mourir mille fois pour elle, ça serait une grâce ! »

Matei est transfiguré : il entre dans l’éternité avec ces dernières paroles, adressées au bourreau : « Je veux mourir en chrétien. Frappe. »

Constantin Brâncoveanu est décapité le dernier – il aura eu le temps de se signer et de dire : « Seigneur, que Ta volonté soit faite »

Il n’est pas inutile de rappeler que, les ambassadeurs de Grande Bretagne, France, Autriche et Russie, n’ont pas décliné l’invitation du sultan et ont assisté à l’exécution. Le journal Gazette de France trouvait bon de noter : « Un prince roumain a été exécuté, parce qu’il n’a pas payé ses dettes. »

Constantin Brâncoveanu a été canonisé, le 20 juin 1992, par le Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe Roumaine. Il est fêté, chaque année, le 16 Août, lendemain de la fête de la Dormition et de son supplice anniversaire.

Le prince roumain est ainsi sorti de l’histoire, pour se ranger parmi les icônes. 

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