Notre saint Père Athanase (Sakharov), ce nouveau Job, naquit le 2 juillet 1887 et fut nommé Serge au saint baptême. Nourri dans la piété par ses parents, il ne connaissait guère que la maison et l’église. Après avoir achevé avec succès ses études au séminaire, il entra en 1908 à l’Académie ecclésiastique de Moscou, qui était alors en plein essor. Après avoir terminé ses études en 1912, il fut tonsuré moine sous le nom d’Athanase, et fut bientôt ordonné prêtre et nommé professeur de liturgie et d’homélitique au séminaire de Poltava, où il enseigna une année, nourrissant dans l’âme de ses étudiants l’amour pour la beauté et la grandeur de l’office liturgique.
Après la révolution de 1917, il organisa, avec un autre prêtre, un « cercle de prédication ». Dans ses prédications, le Père Athanase manifestait son caractère plein d’amour et de bonté, ce qui accrût sa popularité parmi le peuple. Lors de la réunion du Concile pan-russe de 19171918, il fut élu pour représenter les moines du diocèse de Vladimir. C’est alors qu’il composa, avec le professeur Touraev, l’office à tous les Saints de la Terre Russe. Ayant montré avec audace son attachement au culte des saintes reliques, alors que les autorités communistes voulaient les tourner en dérision, il fut consacré évêque de Kovrov le 27 juin 1921. Mais la mitre épiscopale devint bientôt pour lui une couronne d’épines. Dès l’apparition de la prétendue « Église Vivante », le saint évêque expliqua au peuple que les « rénovés » étaient des schismatiques se dressant contre l’épiscopat canonique dirigé par le patriarche Tikhon [25 mars]. Son activité attira rapidement l’attention des autorités et, après avoir été plusieurs fois arrêté pour de courtes périodes, il fut condamné à deux ans d’exil dans la région de Zyriane, en novembre 1922. Malgré les rigueurs de la détention, le saint célébrait quotidiennement l’office dans sa cellule, selon toutes les exigences du Typikon, et observait strictement les jeûnes. Quand il recevait des colis, il partageait toujours leur contenu avec les autres détenus. Ayant purgé une peine supplémentaire de deux mois, il retourna à Vladimir, où il continua à lutter énergiquement contre les « rénovés ». Après l’avoir arrêté à plusieurs reprises en 1925 et en 1926, les bolcheviques lui proposèrent, en décembre l926, d’abandonner le diocèse de Vladimir, ce qu’il refusa. Aussi fut-il de nouveau arrêté, le 2 janvier 1927, et il passa quatre mois dans une prison de Moscou.
En mai 1927, il fut condamné à trois ans d’incarcération au camp de Solovki, réservé aux membres du clergé. Contaminé par le typhus, vers la fin de cette détention, il fut alors envoyé pour trois autres années dans la région de Touroukansk, en passant par les prisons de Leningrad, Novossibirsk et Krandiarsk. Il commença alors la rédaction de son œuvre : La commémoration des défunts selon le Typikon de l’Église Orthodoxe, qu’il rédigeait sur les rares feuilles de papier qu’il pouvait trouver, d’une écriture serrée et à peine lisible. À l’instar d’autres hiérarques de l’Église russe, il cessa dans les années 30 la commémoration du métropolite Serge – celui-ci s’étant attribué abusivement tous les pouvoirs du locum tenens du trône patriarcal, alors que le patriarche était encore vivant – mais sans renier la grâce des sacrements célébrés par le métropolite et ceux qui étaient en communion avec lui. Il disait à ce sujet : « Les clercs ne sont pas les créateurs de la grâce. Ils n’en sont que les dispensateurs… Même s’ils mènent une vie manifestement honteuse, ils restent cependant les dispensateurs de la grâce, jusqu’à ce qu’ils soient privés par les autorités ecclésiales légitimes du pouvoir de la répandre et d’élever les prières des fidèles devant l’Autel de Dieu, pouvoir qui leur a été accordé par le sacrement de l’ordination. Lorsque les serviteurs de l’autel sont indignes, le Seigneur envoie à leur place son ange pour célébrer les saints Mystères. » En 1945, considérant que le seul primat reconnu par tous les évêques en Russie était le patriarche Alexis Ier, et qu’il était de surcroît reconnu par les patriarches orientaux, saint Athanase entra en communion avec lui.
Libéré en août 1933, après six mois supplémentaires d’incarcération, il eut la permission de retourner à Vladimir, mais avec interdiction de célébrer les offices. En 1936, il fut encore arrêté, et subit un tel interrogatoire qu’il perdit presque conscience et reconnut être coupable. Le lendemain, ayant retrouvé ses esprits, il protesta contre ces aveux, qui lui avaient été extorqués, mais cela ne l’empêcha pas d’être condamné à cinq ans de détention dans les camps de la mer Blanche. Ce fut l’une des périodes les plus difficiles de son existence. À son arrivée au camp, où se trouvaient un grand nombre de criminels de droit commun, le saint évêque fut chargé de la tenue de la caisse. Comme on pouvait s’y attendre, à la fin du premier mois, il manquait de l’argent, et bien que la somme manquante eût été remboursée par les amis du saint, celuici n’en fut pas moins condamné à une année de camp supplémentaire. Malgré sa faible santé, il fut assigné à l’abattage des arbres pour la construction d’une route. L’un de ses co-détenus écrivit : « La mort planait souvent audessus de nos têtes, mais l’Ange Gardien l’éloignait aux moments où, semblaitil, elle était inévitable... » En 1938, à l’occasion des fêtes du mois de mai, saint Athanase fut enfermé à l’écart et, en août, il fut placé dans un cachot isolé, où il passa trois mois. Chaque nuit, quelques détenus étaient fusillés, et il attendait quotidiennement son tour. À la fin du mois d’octobre, il fut renvoyé à l’abattage du bois. Reconnu invalide, il fut alors nommé chef d’équipe, ce qui consistait à faire le planton devant la baraque et à se lever dès trois heures du matin pour procurer du pain à toute l’équipe. Ne trouvant le repos, ni le jour, ni la nuit, il demanda à être déchargé de cette tâche, mais cela lui fut refusé.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, il fut envoyé, par étapes, au camp d’Onega, qui se trouvait à 400 km de là. Durant ce trajet, qu’il dut parcourir à pied, saint Athanase buvait l’eau des marécages, sans laquelle il ne serait sans doute jamais parvenu à destination. Lorsqu’il parvint au camp, il ne pouvait marcher que soutenu par des cannes. Pensant qu’il ne survivrait pas, il rédigea son Testament ; mais le Seigneur en décida autrement. Il resta au camp jusqu’au 20 juin 1942, soit onze mois et demi de plus que la date fixée par la condamnation. Il travailla ensuite, durant quatre mois, comme gardien de nuit dans un sovkhoze, puis trouva un appartement à Ichim, où il passa presque toute l’année, célébrant parfois, discrètement, des offices pour les fidèles.
Arrêté derechef, le 7 novembre 1943, et interné dans les prisons d’Ichim, d’Omsk et de Moscou, il fut envoyé dans les camps de travaux forcés de Sibérie, où il resta jusqu’en juillet 1944. Le 30 août 1946, il fut de nouveau emprisonné à Moscou, avant d’être transféré au camp de Temnikov, où il travailla à la confection de chaussures en écorce de bouleau, puis à Doubrovo. Alors qu’il devait être libéré en 1951, il resta détenu jusqu’en 1954. Dans un document autobiographique rédigé alors, il notait qu’au cours de ses trente-trois années d’épiscopat, il avait passé seulement trente-trois mois au service de son diocèse, trente-deux mois en liberté, mais sans fonction ; soixante-seize mois en exil et deux cent cinquante-quatre mois en prison ou astreint aux travaux forcés. Où qu’il se trouvât, le saint évêque célébrait quotidiennement l’office monastique, et lorsque les livres liturgiques lui manquaient, en prison ou en exil, il les récitait de mémoire. Dans toutes ces épreuves, le saint évêque conservait sa quiétude et son espérance dans le Seigneur, répétant ces mots de saint Jean Chrysostome : « Gloire à Dieu pour tout ! » Peu avant sa libération, il écrivait : « Il n’y a pas de changement dans ma situation. Je garde mon calme, sachant fermement que mon sort ne dépend pas des gouvernants terrestres, mais de Celui qui tient en ses mains le sort des gouvernants eux-mêmes. Je me console par les paroles du psalmiste : Mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre (Ps 120, 2) Priez pour moi, afin que le Seigneur m’affermisse dans la patience. »
Le 19 mai 1954, il fut relégué dans un foyer d’invalides, destiné aux anciens détenus, où malgré les restrictions, il put reprendre ses études liturgiques et rédiger des mégalynaires (vielitchanie) pour les saints russes. En 1955, il reçut l’autorisation de s’installer à Toutaiev, mais il était astreint à ne pas franchir les limites du district, et devait se présenter deux fois par mois à la milice. Le chemin pour s’y rendre était pénible, si bien qu’après chaque déplacement, il lui fallait rester allongé deux jours pour se remettre de sa fatigue. Finalement, il trouva un appartement à Petouchki, où il vécut jusqu’à la fin de ses jours, avec un minimum de confort. Dans les dernières années de sa vie, les forces physiques l’abandonnèrent complètement, et il ne pouvait plus célébrer. Il accomplissait toutefois assidûment, et dans son intégralité, l’office en cellule. Chargé de la rédaction des rubriques du Calendrier du Patriarcat, il présida la commission liturgique, qui fut malheureusement bientôt abolie. Malgré ses forces déclinantes, il acheva son ouvrage sur la commémoration des défunts, et travailla à la publication de nouveaux Ménées russes. Il recevait avec aménité et amour paternel ses enfants spirituels ainsi que beaucoup d’autres personnes, qui venaient lui demander conseil. Il aimait parler des saintes personnes qu’il avait rencontrées dans les camps et en exil, mais ne parlait presque jamais de lui-même. Ses paroles préférées étaient ce verset du psaume 118 : Je suis Tien, sauve moi !
En octobre 1962, ayant annoncé de façon détournée le jour de sa mort prochaine, saint Athanase tomba malade. Alité, il n’en lisait pas moins tout l’office du jour. Le jour du cinquantième anniversaire de sa profession monastique, ses proches vinrent le féliciter. Il bénit chacun séparément, puis tous ensemble des deux mains, dans les trois directions, comme dernière bénédiction, accordée à tous ses proches et à tous ceux qui étaient absents. Quelques minutes après, il eut une attaque et, le dimanche suivant, il s’endormit en paix pour rejoindre le chœur des saints. Ses funérailles furent célébrées, selon l’ordo monastique, par deux évêques et dixhuit prêtres, en présence de nombreux fidèles. Le fait que ces obsèques aient eu lieu sans aucun obstacle de la part des autorités, et que le peuple ait pu même accompagner le cercueil jusqu’au cimetière, fut considéré comme un miracle à l’époque soviétique.
Extrait du livre « Le Synaxaire, Vie des Saints de l’Église Orthodoxe »,
par le Hiéromoine Macaire de Simonos Pétra - Tome 1 - Éd. Indiktos
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