Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Àl’occasion de l’anniversaire des 25 ans de service épiscopal de Son Éminence Joseph, la rédaction de la Revue Apostolia m’a prié d’écrire quelques mots sur l’évêque comme pasteur des prêtres, des moines et des fidèles de son éparchie.
Nous vivons dans une époque de dissipation dans les choses extérieures, de l’émiettement de la vie et de l’éloignement de soi-même parce que l’homme moderne ignore son propre cœur, où se concentre toute l’humanité et dont dépendent l’équilibre de l’âme et la paix intérieure. Nous constatons avec douleur qu’à mesure que la science et la technique font des progrès éblouissants, dans la même mesure la culture du cœur, de la communion et des relations entre les hommes se dégrade, à leur grand malheur. C’est le rôle primordial de l’Église d’aider les hommes à redécouvrir leur propre nature ou leur cœur. C’est surtout notre devoir en tant qu’orthodoxes, nous qui avons une spiritualité par excellence mystique ! Mais combien d’orthodoxes connaissent et vivent leur propre spiritualité ? Combien ont entendu parler de l’hésychasme ou combien pratiquent vraiment la « prière de Jésus » ? Ou au moins combien savent que toute prière ou office doivent être intériorisés ? Malheureusement, ce trésor reste caché pour la plupart. Pourtant, la Tradition liturgique et spirituelle de l’Église est à la portée de tous, et ceux qui font un effort pour l’intérioriser peuvent découvrir la richesse inépuisable de la spiritualité orthodoxe comme vie en Christ et vie dans l’Esprit Saint. C’est pour cela que les serviteurs du Saint Autel doivent venir en aide aux fidèles et encourager une vie liturgique authentique, sachant que tous les trésors de l’Orthodoxie se cachent dans la prière publique de l’Église.
C’est le devoir primordial de l’évêque, comme celui qui préside toute synaxe eucharistique, et en général toute synaxe liturgique dans son éparchie, d’insister toujours sur l’intériorisation de chaque acte liturgique. Car c’est de la façon dont nous vivons la Liturgie et dont nous prions que dépend aussi notre engagement extérieur.
La dignité de l’évêque, comme de toute personne baptisée, vient de son baptême qui lui confère gratuitement tous les dons (1 Corinthiens 1, 5-7). Elle est charismatique parce que autant le témoignage de la vraie foi, que son vécu par l’accomplissement des commandements de Dieu, dépendent à tout moment de la grâce du Saint Esprit. Selon Saint Syméon le Nouveau Théologien, nous ne pouvons pas nous appeler vraiment chrétiens si nous ne faisons pas l’expérience la plus réelle des dons reçus au baptême, la vie chrétienne étant l’actualisation continuelle du baptême. On peut tout aussi bien dire que nous ne sommes évêques ou prêtres que dans la mesure où nous actualisons ou nous faisons ce pour quoi nous avons été investis par le Sacrement de l’Ordination, à savoir dans la mesure où nous accomplissons ce qui relève de la prêtrise et de l’épiscopat. Autrement, la grâce se retire ou bien, plus grave encore, devient pour nous une raison de condamnation, parce que nous en empêchons l’œuvre.
L’évêque est un héritier spécial de la grâce apostolique (cf. Ephésiens 4, 7-16 ; 1 Timothée 4, 14). Seuls les évêques ont la succession apostolique, à la différence des prêtres, qui font tout par la délégation de l’évêque. Pourtant, l’évêque ne monopolise pas la grâce, mais l’exerce d’une manière spéciale. Il a toute la grâce et la vocation de Pasteur, de Maître, de Guide…, mais aussi bien la grâce que la vocation épiscopale découlent des commandements que le Christ a donnés aux apôtres. En particulier, le fait de prêcher l’Évangile, la vraie foi, mais pas « en paroles seulement, mais avec puissance et l’Esprit Saint » (1 Thessaloniciens 1, 5), à savoir par l’exemple personnel, c’est l’expression de la conscience de l’Église et du charisme missionnaire de l’évêque, successeur des apôtres.
L’évêque est le visage du Christ tout comme du Père et de l’Esprit. Ce statut iconologique explique le fait que les honneurs donnés à l’évêque ne portent pas sur sa personne, mais sur son service ou son ministère. Saint Ignace d’Antioche développe dans ses épîtres cette conception iconologique de l’évêque. L’évêque engendre des fils pour la vie en Christ et en l’Esprit Saint. De même, en tant que Père spirituel, il se soucie de la croissance et du progrès spirituel des fidèles, des moines et des prêtres. Saint Grégoire de Nysse suggère cette paternité par l’exemple du Saint Prophète Moïse : « Les âmes désordonnées, mais qui s’adonnent à la vertu et qui suivent le donateur de la loi dans leur manière de vivre, lorsqu’elles quittent les frontières de l’Égypte (à savoir les passions et les tentations) sont poursuivies par les attaques d’autres tentations qui leur induisent la peur, la crainte et des dangers mortels... Mais Moïse, ou l’un de ceux qui sont investis pour guider le peuple, s’opposera par ses conseils à ces troubles et réconfortera l’âme par l’espoir dans l’aide divine ». Mais Saint Grégoire ajoute : « ceci ne se produira pas si le cœur du supérieur parle avec Dieu. En effet, beaucoup de ceux qui sont investis d’une telle autorité cherchent seulement l’ordre extérieur. Ils ne tiennent même pas compte des choses cachées, que seul Dieu voit. Mais Moïse ne procédait pas ainsi » (La Vie de Moïse, SC n°1, Paris, Éditions du Cerf, 1941, p. 91). En d’autres termes, l’évêque doit parler toujours de son peuple avec Dieu le Père, comme le faisait le Fils, le Sauveur Jésus-Christ.
L’affaiblissement historique de la mission spirituelle de l’évêque
Un bref regard historique sur l’évolution de l’épiscopat, chez nous et dans d’autres Églises locales, nous fait comprendre que c’est à cause des soucis administratifs liés au contexte de la vie que la mission des évêques s’est réduite souvent à des fonctions administratives que ceux-ci ont très bien assumées mais qui les ont complètement absorbés. C’est justement ce que dénonce Saint Grégoire de Nysse dans le texte cité plus haut : on cherche seulement à assurer l’ordre extérieur, sans se soucier de la réalité intérieure de l’Église … Personne ne nie l’importance de l’administration d’une éparchie, qui est l’expression de l’amour naturel du père pour sa famille (cf. 1 Timothée 3, 1-5 ; Tite 1, 5-9). Mais l’amour d’un père pour sa famille ne se réduit pas seulement aux biens matériels nécessaires à la vie, mais a en vue en premier lieu la croissance spirituelle des membres de la famille. L’évêque doit se soucier de l’Église avec la sollicitude d’un époux : « comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l’avoir purifiée par le baptême d’eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible » (Ephésiens 5, 25-27). Le souci primordial de l’évêque est donc que le peuple qu’il guide – prêtres, moines et fidèles – soit saint et sans tache.
La conséquence la plus grave de la prééminence des soucis administratifs est l’éloignement de l’évêque de la vie pastorale et spirituelle concrète des paroisses et des monastères. N’ayant plus le temps nécessaire pour entretenir une relation spirituelle personnelle avec les fidèles et les prêtres, l’évêque s’éloigne, qu’il le veuille ou non, du peuple qu’il guide, même si celui-ci le vénère comme une apparition divine, mais à laquelle il ne peut pas communier réellement.
À cet éloignement contribue aussi la grandeur excessive des éparchies. Il est absolument impossible que l’évêque qui guide des centaines de paroisses connaisse les réalités de ces paroisses qu’il ne peut même pas visiter une fois tous les dix ans. Il ne peut même pas entretenir une relation personnelle conséquente avec les prêtres qui le représentent dans les paroisses.En tant que Père spirituel de tous ceux qu’il guide, l’évêque devrait être au moins le père spirituel de ses prêtres. La multiplication des éparchies avec une administration simple et l’accent porté sur la mission sont une nécessité vitale.
La nouveauté de l’appel épiscopal
L’évêque est en premier lieu un moine. Ceci n’est pas une simple formalité, mais une réalité profonde. L’Église s’est choisi des évêques parmi les moines dès le IVè siècle pour avoir pour pasteurs des hommes qui ont gagné dans le combat spirituel les vertus du Christ et qui ont pour but dans la vie la sanctification quotidienne de leur propre vie.
Dans sa qualité de moine, l’évêque est en premier lieu le Père des moines de son éparchie, raison pour laquelle il est choisi souvent parmi les higoumènes de monastères. Pour que le charisme monastique reste vivant dans l’évêque il est nécessaire qu’il :
L’évêque doit combattre, surtout de nos jours, contre la sécularisation du monde. Dans ce sens, sa vie simple de moine l’aidera au plus haut degré à convaincre le monde que son but est transcendantal. « Celui qui n’a pas d’abord renoncé au monde … qui n’aime pas sincèrement le Christ et n’a pas perdu son âme pour Lui … qui ne s’est pas montré digne de recevoir le même Esprit divin que les Apôtres…, ne doit pas oser accepter la prêtrise et l’autorité sur les âmes ou y aspirer » (Saint Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes 58, 224-248).
L’évêque est un théologien mystique, il parle de ce qu’il vit, de ce qu’il connaît par l’expérience. L’homélie de l’évêque dans le cadre liturgique est extrêmement importante et correspond à son charisme de gardien et de garant de la vraie foi. On n’attend pas de l’évêque un enseignement académique, mais un enseignement charismatique : « car si la découverte de la vraie sagesse et connaissance de Dieu devait nous être donnée par les lettres et les études…, quel besoin aurions-nous eu de la foi ou du baptême ou de la communion aux Saints Mystères ? Certainement aucun » (Saint Syméon le Nouveau Théologien, Paroles éthiques 9,10-14). Nous savons que le sermon du Sauveur et des Apôtres était fort de signes et de miracles (cf. Actes 2, 22 ; Hébreux 2, 4 ; Marc 16, 20). Le pouvoir de la parole tout comme de l’œuvre viennent exclusivement de la vie spirituelle, intérieure de celui qui fait l’homélie.
L’évêque est un frère ; il manifeste sa paternité par l’amour fraternel et par la compassion. Sa Béatitude Daniel dans son livre « La Joie de la Fidélité » (Éditions du Cerf, Paris, 2009, p. 400) dit : « la première qualité d’un bon pasteur spirituel est celle d’avoir un cœur compatissant qui souffre pour les fidèles, un cœur plein d’amour sacrificiel pour l’Église. Autrement dit, le bon pasteur est l’homme qui œuvre de tout son cœur pour le salut de tous les êtres humains”. L’évêque est frère avec les autres chrétiens par le Saint Baptême, avec les moines par les vœux monastiques, avec les évêques par la grâce de l’épiscopat, car aucun évêque n’est au-dessus des autres. En même temps l’évêque est frère avec tous, il est un « frère universel » (Père Lev Gillet), frère de tous les hommes contemporains avec lui. Cet esprit et comportement fraternel qui signifie se mettre soi-même au rang de tous par la compassion et l’intérêt pour eux, en les servant, aussi bien du point de vue ecclésial que social ; constitue aujourd’hui la base de l’élan missionnaire. Un vrai frère ne juge pas ses semblables, mais au contraire il prend sur lui les péchés des autres. Dans ce sens, le Christ s’est montré frère de tous, même s’Il était, en même temps, image parfaite du Père. Nous comprenons ainsi que la vraie paternité se manifeste aussi dans la fraternité, à savoir l’égalité des personnes ou des hypostases.
† Métropolite Séraphin
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