Loin de prêcher un style de vie retiré et crispé, alimenté par un souci égoïste de salut individuel, Jésus a montré clairement que personne ne peut trouver le bonheur et son salut en négligeant son prochain. Selon ses propres mots, Jésus ne souhaite pas être cherché dans les hauteurs célestes, dans l’au‑delà. Lui‑même se rend proche en celui qui souffre du malheur. Désormais il n’y a plus pour l’homme de possibilité de choix, d’une façon solitaire, entre ceux qu’il doit, où ne doit pas, considérer comme prochain. Du moment où Jésus s’est fait notre prochain dans le locataire du premier étage et dans le voisin d’en face, Il ne peut plus être cherché et trouvé en dehors du prochain.

C’est justement pour cela que l’orientation vers l’au‑delà et le souci du prochain ne peuvent être utilisés l’un contre l’autre. Comme Jésus s’est fait solidaire des autres hommes – surtout de ceux qui souffrent l’injustice, des pauvres, des malades et des isolés –, l’homme ne peut avoir qu’une conception de la vie: voir avec un total sérieux Jésus en Personne dans le prochain.

Même dans le monde de la technique et des ordinateurs, c’est l’homme qui doit être recherché. Avant de recevoir un cadeau, notre prochain a besoin tout d’abord de notre coeur, de signes de notre amitié et de notre sympathie. Quand quelqu’un offre sans amour du pain à un affamé, il ne s’est rien passé entre ces deux personnes ensuite; au contraire, la barrière de la vanité et la distance n’ont fait que croître.

Aujourd’hui on parle et on écrit beaucoup sur le souci du prochain et la responsabilité à son égard. Et pourtant jamais, semble‑t‑il, nous n’avons eu autant de personnes isolées, incomprises, méprisée et oubliées. Il n’est pas difficile de vivre et de travailler avec des hommes sympathiques et de trouver Jésus en eux. Mais reconnaître le Seigneur dans certains êtres antipathiques, assumer le souci de leur salut, parait une exigence excessive de la foi.

Le message de Jésus n’a‑t‑il pas encore pénétré l’Europe, où nous vivons déjà une époque post chrétienne ? C’est une question que chacun se pose quand il lit cette lettre d’un père de famille: „Le seul être qui m’attend quand je reviens du travail est mon chien. Ma famille ne me prête aucune attention”.

Alfred Lœpple, Le Prochain

J’ai passé ma vie dans le bien et dans les péchés et pendant seize ans j’ai connu la force de l’habitude. L’âme et l’esprit peuvent acquérir des habitudes. L’être humain fait ce qu’il a l’habitude de faire. S’il a l’habitude du péché, il sera sans cesse attiré par le péché, et les démons fondront sur lui; mais s’il s’est habitué au bien, Dieu l’aidera par sa grâce.

Par conséquent, si tu t’habitues à prier continuellement, à aimer ton prochain et à pleurer dans la prière pour le monde entier, ton âme sera attirée par la prière, les larmes et l’amour. Et si tu t’habitues à faire l’aumône, à t’ouvrir toujours à ton père spirituel dans la confession, tu agiras continuellement ainsi et tu trouveras la paix en Dieu.

Saint Silouane l’ Athonite, Entre l’enfer du désespoir et l’enfer de l’humilité

Quelqu’un qui n’est pas bon avec tous, n’est pas bon. Dans les Apophtegmes il y a une parole de saint Macaire: „Avec une bonne parole, tu rends bon même le méchant, et avec une parole méchante, tu rends méchant même le bon”. Bien sûr, il est question d’une méchanceté relative et d’une bonté relative, oscillantes et fluctuantes. Nous devons être continuellement bons. Qui est méchant, ne ressemble pas au Christ Seigneur, parce que le Christ Seigneur est toujours bon...

Il a été très indulgent. Pensez à cette femme qui était accusée avec raison d’avoir commis l’adultère et que les gens avaient conduite au Christ Seigneur pour qu’Il la condamne. Le Christ Seigneur a dit: „Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il lui jette la première pierre” (Jean 8, 7). Et personne ne l’a frappée! Pourquoi ? Parce que tous étaient dans le péché! Tous étaient coupables, coupables cachés, inconnus des hommes, mais connus de leur conscience. Le Seigneur Christ, après que se soient retirés tous les accusateurs, a dit: „Femme, où sont tes accusateurs ? Personne ne t’a condamnée ? – Aucun, Seigneur”. Et le Christ Seigneur a conclu: „Je ne te condamne pas, Moi non plus”. Ainsi s’est‑Il montré bon! Ainsi a fait le Christ Seigneur! Ainsi fait le porteur du Christ! Il ne condamne pas, il n’écrase pas, il ne diffame pas, mais il couvre, il cache...

Si nous tendons à être ainsi, il est sûr que nous sommes le soulagement des hommes; il est sûr que nous multiplions la joie („Tu as tout rempli de joie, Toi qui est venu pour sauver le monde”), nous sommes porteurs de bonté; nous sommes porteurs d’humilité, de douceur, d’indulgence et de compréhension. Soyons des hommes bons, compréhensifs, et alors le Christ est au milieu de nous.

Père Teofil Pârăian, Du trésor de mon coeur, Monastère Brâncoveanu, 5 septembre 1997

Quelqu’un me cherche dans ma vie,
il m’attend au recoin de chaque pensée
sur la route des mots dans la maison de chaque action
pardonnant et guérissant tout sans cesse
autement ma vie s’arrêterait
mon coeur ne battrait plus...
quelqu’un marche dans ma vie
délicat et humble comme le souffle
lui‑même
attendant que je le sente que je l’entende que je le voie
que je me tourne un instant à l’intérieur avec tous mes sens
comme un aveugle goûtant mon sang
à mes veines
pour connaîter quel goût ont les larmes
et goûtant à mes yeux les larmes
puis miette après miette apportant les restes du repas
que sans cesse rompent les batailles
du coeur
que je trouve
le goût de l’amour et de la Vie
qui me cherche toujours
dans ma vie...
les ermites sont ceux qui
se retirent dans la profondeur de leur coeur
jusqu’à
ce qu’ils entendent seulement le pleur sans bruit
de l’esprit...
dans ce calme
en s’arrêtant
ils entrent
dans un autre
Coeur...

Marius Iordăchioaia, Jurnal de tresăriri

Daniel Chira, Londra