Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Saint Serge était le second des trois fils de pieux et riches boyards de Rostov, Cyrille et Marie [28 sept.]. Très tôt, Dieu laissa prévoir la gloire future de son serviteur, de sorte qu’un dimanche, au cours de la Divine Liturgie, l’enfant se mit à crier à trois reprises du sein de sa mère. Après cet événement inhabituel, Marie ne mangea plus ni viande, ni laitage, ni poisson pendant toute la période de sa grossesse. L’enfant naquit en 1314, et reçut au saint baptême le nom de Barthélemy.
Lorsqu’il eut sept ans, ses parents le confièrent à un maître pour apprendre à lire. Contrairement à ses frères, Étienne et Pierre, Barthélemy, malgré toute sa bonne volonté, ne parvenait pas à apprendre, et c’est avec larmes qu’il sollicitait l’assistance de Dieu. C’est alors que se produisit le même phénomène qu’avec Saül (1 Sam 9). Un jour où son père l’avait envoyé au champ chercher des chevaux qui s’étaient égarés, Barthélemy aperçut un hiéromoine âgé, qui priait sous un chêne. Le jeune garçon s’approcha doucement, et attendit que le starets eût achevé sa prière pour lui exposer son problème. Le starets le bénit et lui donna un morceau de prosphore, en lui assurant qu’il allait désormais comprendre les lettres. Sur les instances de Barthélemy, l’Ancien le suivit chez ses parents, qui le reçurent avec des marques de grande considération. Entrant dans la chapelle familiale, il ordonna à l’enfant de lire les Heures. Barthélemy, ayant pris sa bénédiction, se mit à lire le Psautier correctement et distinctement, à l’étonnement général. Avant de les quitter, le starets prononça ces paroles énigmatiques : « Cet enfant va devenir la demeure de la Sainte Trinité. Il amènera une multitude à la compréhension de sa volonté. » Après cet événement, Barthélemy fréquenta assidûment l’église et étudia avec ardeur la sainte Écriture. Dès l’âge de douze ans, il se mit à observer une stricte tempérance, s’abstenant de toute nourriture le mercredi et le vendredi, et se contentant, les autres jours, de pain sec et d’eau.
Lors de la prise de Rostov par le grand-prince de Moscou, Jean Kalita, le père de Barthélemy tomba en disgrâce et dut partir, avec sa famille, pour s’établir à Radonège (vers 1330). Barthélemy continua là son ascèse. Alors que ses deux frères s’étaient mariés, il différa son désir d’embrasser la vie monastique pour prendre soin de ses parents, jusqu’au jour où ils décidèrent eux-mêmes d’entrer au monastère de Chotskov. Ils y décédèrent peu après et, pendant quarante jours, Barthélemy pria sur leur tombe, distribua des aumônes aux pauvres et fit dire pour eux des offices de requiem. Ensuite, il fit don de ses biens à son frère cadet Pierre et, enfin libéré de toute attache, se prépara à réaliser son désir.
Son frère aîné, Étienne, dont la femme était brutalement décédée, s’était retiré lui aussi au monastère de Chotskov. Au bout de peu de temps, Barthélemy le convainquit de partir ensemble à la recherche d’un endroit convenant mieux à la vie ascétique. Après avoir longtemps cheminé dans la forêt, ils découvrirent un emplacement approvisionné en eau et éloigné des sentiers battus, à dix verstes de Radonège. Ils y bâtirent une cellule avec une petite église en rondins. Comme Barthélemy demandait à son frère, qu’il considérait comme son père spirituel, à quel saint il convenait de dédier cette église, Étienne, se souvenant de la prédiction de l’Ancien, répondit qu’il fallait la dédier à la Sainte Trinité. L’église fut donc consacrée avec la bénédiction du métropolite saint Théognoste [14 mars]. Peu après, Étienne, qui trouvait trop rigoureuse la vie dans ce désert, partit s’installer au monastère de la Théophanie à Moscou, où vivait saint Alexis, le futur métropolite [12 fév.].
Après la visite de l’higoumène Métrophane, qui était venu à sa demande lui conférer la tonsure monastique sous le nom de Serge (1337), le saint, alors âgé de vingt-trois ans, se retrouva seul dans cette forêt, exposé sans défense aux loups, qui hurlaient de manière effrayante, et aux autres bêtes sauvages. Comme un ours s’était un jour approché de sa cellule, Serge s’aperçut que cet animal n’était pas tant féroce qu’affamé et, le prenant en pitié, il lui donna de la nourriture. La bête se familiarisa, et, par la suite, elle venait souvent recevoir sa pitance des mains du saint, qui partageait chaque fois son dernier morceau de pain avec l’animal, allant même jusqu’à se priver de nourriture pour lui.
Saint Serge resta seul pendant deux ans, jusqu’à ce que douze frères se rassemblent autour de lui, avec le désir de partager son mode de vie. Chacun d’entre eux s’était bâti sa cellule et subvenait à ses propres besoins. L’office de Minuit, les Matines, les Heures, les Vêpres et les Complies étaient célébrés quotidiennement dans l’église. Pour la célébration de la Divine Liturgie, les frères devaient appeler un prêtre de l’extérieur, car aucun d’eux n’avait été encore ordonné. Après quelque temps, l’higoumène Métrophane, qui avait tonsuré Serge, se joignit à eux ; mais il remit rapidement son âme à Dieu. Les frères vinrent alors trouver le saint et lui dirent : « Père, nous ne pouvons vivre sans higoumène, et nous souhaitons que ce soit toi qui remplisses cette fonction. Ainsi, lorsque nous viendrons te révéler nos péchés, nous entendrons ton enseignement et recevrons l’absolution de nos fautes. Il convient également que la Divine Liturgie soit célébrée, afin que nous puissions communier aux saints Mystères de tes mains. » Malgré leurs instances, Serge refusa, en disant : « Il ne m’appartient pas d’accomplir le ministère angélique, mais de pleurer mes péchés. » Les frères en pleurs lui répondirent que, puisqu’il refusait d’assumer leur direction spirituelle, ils seraient contraints de quitter ce lieu et d’errer comme des brebis perdues, et qu’il devrait en répondre devant Dieu. Se soumettant alors à la volonté de Dieu, le saint, emmenant avec lui deux des moines les plus âgés, se rendit à Pereyaslavl, chez l’évêque de Volynie, Athanase, auquel saint Alexis, alors à Constantinople, avait remis la direction du diocèse métropolitain. Ce dernier ordonna Serge prêtre et l’éleva au rang d’higoumène (1354).
Dès lors, le saint célébrait quotidiennement la Divine Liturgie, arrivant toujours le premier à l’église pour l’office. Il fabriquait lui-même les cierges et les prosphores, ne laissant à personne d’autre cette tâche. Sous sa direction spirituelle et inspirés par son exemple, les moines vivaient en silence, alternant prière et travail manuel, avec la conscience de se tenir continuellement en présence de Dieu. Le soir, après les Complies, sauf en cas de nécessité impérative, nul n’avait l’autorisation de se rendre dans la cellule d’un autre moine, car les heures de la nuit devaient être réservées à Dieu seul. À la fin de la prière que les frères accomplissaient en particulier, le saint faisait secrètement le tour des cellules. S’il entendait de vaines conversations ou des rires, il frappait à la fenêtre pour les faire cesser, et il s’en allait tout triste. Le matin, il réunissait les fautifs et, à l’aide de paraboles prononcées d’un ton humble et doux, il les réprimandait. Il n’employait une sévérité toute mesurée qu’envers ceux qui refusaient de faire pénitence et persistaient dans leurs fautes. Il aimait tant la pauvreté qu’il institua comme règle stricte de ne jamais faire de quête au profit du monastère, quels que soient ses besoins. Le dépouillement était tel qu’on s’éclairait avec des tisons pour l’office et que les livres étaient faits en écorce de bouleau. Un jour, la communauté se trouva réduite à une si grande misère que les frères manquaient même de pain. Après avoir passé trois jours sans nourriture, Serge se rendit chez le moine Daniel et lui dit : « J’ai appris que tu voulais construire une entrée devant ta cellule. Je te la construirai afin que mes mains ne restent pas oisives. Cela ne te coûtera pas cher, je me contenterai du pain avarié que tu as en réserve. » En raison de cette carence de nourriture, certains frères commencèrent à manifester leur mécontentement et menacèrent Serge de quitter le monastère s’il ne les autorisait pas à aller demander l’aumône. Le saint les exhorta alors à patienter encore un peu. Quelques instants après, on entendit frapper à la porte, et le portier constata que des bienfaiteurs inconnus y avaient laissé des charrettes chargées de nourriture.
Une autre fois, tard dans la soirée, tandis que le saint était en train de prier pour les frères de son monastère, il entendit une voix l’appeler de l’extérieur : « Serge ! Le Seigneur a entendu la prière que tu lui adresses pour tes enfants. Vois quelle multitude s’est rassemblée autour de toi au nom de la Sainte Trinité ! » Ouvrant la fenêtre, il vit une lumière inhabituelle qui venait du ciel, et une multitude d’oiseaux merveilleux, volant au-dessus du monastère et tout autour de l’enceinte. « Ainsi – poursuivit la voix – se multipliera le nombre de tes disciples, et il ne manquera point de successeurs pour marcher sur tes traces. »
Peu de temps après (1355), le patriarche de Constantinople, saint Philothée [11 oct.], fit parvenir au saint une croix et d’autres présents accompagnés d’une lettre, où il écrivait : « Nous avons entendu parler de ta vie vertueuse, nous l’approuvons et nous en glorifions Dieu. Mais il te manque une chose : la vie cénobitique. Tu sais, Père très semblable au Christ, que le parent de Dieu, le prophète David, qui saisissait tout par son esprit, loua la vie commune en chantant : « Qu’y a-t-il de meilleur et de plus doux que de vivre en frères, tous ensemble ? » (Ps 132). C’est pour cela que je vais vous donner un conseil utile : instituez la vie cénobitique. » Suivant le conseil du patriarche, saint Serge, avec la bénédiction du métropolite Alexis, introduisit donc le mode de vie cénobitique dans son monastère. Il y construisit les bâtiments nécessaires et en définit les principes : tout devait être partagé en commun, et il était interdit aux moines d’avoir la moindre possession personnelle ou d’appeler quelque chose « sien ».
Pendant les trois premières années qui suivirent l’ordination du saint, le nombre des moines resta identique. Il commença à s’accroître quand l’archimandrite Simon de Smolensk, qui préférait obéir à saint Serge plutôt que de commander, vint se joindre à la communauté. Après l’application du mode de vie cénobitique, le nombre des moines s’accrut notablement, et dès lors la Providence assura au monastère abondance de biens matériels, ce qui permit de pratiquer l’hospitalité, de nourrir les pauvres et de faire l’aumône à ceux qui se présentaient aux portes du monastère. Bien qu’il demeurât un amant de la solitude, saint Serge s’était soumis au conseil du patriarche par esprit d’obéissance et il avait accepté d’assumer cette forme plus rigide de direction, sans cesser pourtant d’être envers ses moines un père et un éducateur plutôt qu’un administrateur. Toutefois, de cruelles épreuves l’attendaient. Un samedi, au cours des Vêpres, son frère Étienne, qui était revenu au monastère avec son jeune fils Jean – le futur saint Théodore de Simonov [28 nov.] – demanda au canonarque : « Qui t’a donné ce livre ? » « L’higoumène », répondit celui-ci. « Qui est higoumène ici ? N’ai-je pas fondé ce lieu en premier ? » rétorqua Étienne avec irritation. Entendant tout cela depuis le sanctuaire, saint Serge comprit que ce mouvement d’humeur était dû au nouvel ordre qui régnait dans la communauté. De fait, certains moines avaient quitté en secret le monastère et d’autres souhaitaient ne plus avoir Serge pour higoumène. Laissant ceux qui voulaient vivre selon leur volonté propre face à leur conscience, saint Serge ne rentra même pas dans sa cellule, et il quitta aussitôt le monastère pour s’installer à Kirjatch, où il fonda un petit monastère dédié à l’Annonciation. Certains de ses fils spirituels, qui ne pouvaient supporter son absence, allèrent se plaindre au métropolite Alexis qui dépêcha une délégation auprès du saint, pour lui demander de revenir au monastère où sa présence était si nécessaire. En réalité, Alexis, sentant sa mort prochaine, souhaitait trouver en la personne de Serge son successeur. Il le convoqua donc chez lui et lui passa sa croix épiscopale autour du cou en lui annonçant qu’il le désignait comme son successeur. « Pardonne-moi, vénéré pasteur, mais tu veux me charger d’un fardeau qui dépasse mes forces. Tu ne trouveras pas en moi ce que tu cherches. Je suis l’homme le plus pécheur et le pire de tous », répondit saint Serge. À la mort de saint Alexis (1378), les princes proposèrent de nouveau au saint d’assumer la charge de pasteur suprême de l’Église russe et, devant son refus réitéré, ce fut finalement saint Cyprien qui fut élu [16 sept.].
En 1380, lorsque les hordes tatares déferlèrent sur la terre russe, le grand-prince Dimitri Ioannovitch Donskoï [19 mai] vint prendre conseil auprès de saint Serge avant d’engager le combat contre le khan Mamaï. Le saint bénit le grand-prince et lui confia deux de ses moines pour l’accompagner. Pendant la bataille décisive de Koulikovo, le 8 septembre 1380, le saint se tenait en prière, dans son monastère, avec ses frères, et il leur décrivait le déroulement des combats. Il citait même les noms de ceux qui tombaient, adressant une prière pour chacun d’entre eux. Conformément à la prédiction de saint Serge, le grand-prince remporta une brillante victoire, qui marqua le début de la délivrance du joug tatare.
Une nuit, quatre années avant son bienheureux repos, tandis que saint Serge chantait l’Acathiste à la Mère de Dieu devant son icône, et lui adressait de ferventes prières pour son monastère, la Toute-Sainte lui apparut, accompagnée des Apôtres Pierre et Jean, rayonnante d’une gloire indescriptible. Le saint se prosterna jusqu’à terre, mais elle le toucha de sa main et lui dit : « Ne crains point, mon élu ! Je suis venue te visiter, car j’ai entendu ta prière pour tes disciples et pour ce lieu. Dorénavant je ne quitterai pas ton monastère, et je le protégerai durant ta vie comme après ta mort. »
Six mois avant son trépas, saint Serge convoqua sa communauté et en confia la direction à saint Nicon [17 nov.], puis il se retira dans l’hésychia, pour se préparer, par la prière, à son départ. En septembre, il tomba malade, et réunit de nouveau les frères pour leur délivrer ses dernières instructions. Il s’endormit en paix, le 25 septembre 1392, âgé de soixante-dix-huit ans. Au cours des siècles, la Laure de la Trinité Saint-Serge est restée le centre spirituel de l’Église russe, et un lieu de pèlerinage où se rassemblent de grandes foules pour vénérer le protecteur du peuple russe et demander son intercession1.
« Synaxaire vies des saints de l’Église orthodoxe » Tome 1,
par le Hiéromoine Macaire, Monastère de Simonos Petra
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