Publication de la Métropole Orthodoxe Roumaine d'Europe Occidentale et Méridionale
Revue de spiritualité et d'information orthodoxe
Dans la période du 28 au 31 août a eu lieu la sixième édition de l’Université d’été de MOREOM, accueillie, comme chaque année, au Centre Sainte-Croix, par Père Philippe et Elianthe Dautais. Dès cette année, la gestion a été assurée par les époux Nell et Jack Müh, aidés par un groupe de bénévoles enthousiastes, que nous remercions. Beaucoup parmi les participants ont porté témoignage de la présence de la grâce ressentie sur les lieux et sur les gens. Ce qui suit n’est donc pas un simple compte rendu du déroulement de ces journées, mais un recueil de témoignages, personnels, subjectifs et vivants, relatant la manière dont leurs auteurs ont vécu l’expérience de cette rencontre.
Fin d’été à Sainte-Croix
Depuis six ans, la rencontre de Sainte-Croix ranime toutes nos fins d’été, redisposant le lot de nos préoccupations dans le droit fil du début d’un nouvel an orthodoxe. Cette assemblée étant fraternelle, ou « familiale », selon nos hôtes, chacun a la chance de s’y faire tout à tous, à l’image de l’Apôtre. On y cherche un conseil, une consolation ou simplement une communion de pensées ? Y a-t-il un besoin urgent de médecin, de psychologue, de musicien ou de conteur ? « Les aptitudes, les talents, les capacités », ainsi nommés par Mère Siluana à la conférence de vendredi, sont nombreux, divers et dispensés généreusement. Sans doute, pour avoir des conseils très spirituels, on doit attendre un peu, mais, selon sa patience et sa persévérance, personne ne repart sans avoir reçu assistance.
Tous les jours, la cloche de l’église circonscrit, entre la Liturgie et les Vêpres, le rythme vivant d’une vie communautaire. Une autre cloche divise le reste du temps selon l’économie d’une « université », fixant sagement les moments de nos rencontres. La répétition quotidienne du même rituel imprime profondément des images et des impressions que je suis à chaque fois contente de ressusciter des tréfonds de ma mémoire. Ainsi, après le déjeuner, dans la lumière douce de l’après-midi, je retrouve, comme dans un tableau impressionniste (dans lequel transparaît la grâce d’une main d’en Haut), les promenades en petits groupes dans les allées, sur les pelouses ou sous les figuiers… Plus tard, pendant que tout le monde se retire lentement vers la salle de conférences, je revois le tourbillon de couleurs dans l’herbe qui garde un instant la trace des pas et l’ombre bleutée des soutanes.
Dehors, tout reste en attente, à sa place, figé dans une invariabilité bénie : sœur Noëlle parmi ses livres, Anne-Cécile au bureau d’accueil, les enfants absorbés dans la salle d’iconographie ou perdus dans la végétation luxuriante ; devant la cuisine, la tête penchée sur les corbeilles de fruits et de légumes, rappelant les tableaux de tisserands et de dentellières, Evelyne, Martine, Christine, Alain et les autres tissent leurs dentelles de tartes et de compotes. Les figuiers qui viennent d’être pillés sourient en arrière-fond, offrant leurs branches au soleil où mûrissent de nouveaux fruits. Tout ce microcosme semble se recueillir dans l’air empreint d’une douce immobilité.
J’allonge le pas, je m’attarde – j’ai du mal à quitter mon tableau retrouvé et le silence – pourquoi le ferais-je ? À l’intérieur, on débat de la vie de nos paroisses. Je relis le programme, qui me paraît si simple : la vie liturgique, la diversité, l’accueil des étrangers, le service dans l’église, la place de la beauté, notre place à nous, la place des enfants… J’imagine en bâillant une longue, infinie, somme d’expériences, et je souris en apercevant parmi les titres : « La gestion du temps ». Je me déplace avec impatience, je parcours les ateliers, je m’arrête à celui animé par Daniela, qui m’apprend, de façon pratique, comment ne pas perdre du temps (et comment en gagner !) – je me demande à quoi bon, je me dis même : « mais quelle perte de temps ! », et, ma pensée toute tournée vers la paix qui règne dehors, je m’empresse de soupirer la formule du Petit Prince : « moi, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, j’irai tour doucement vers une fontaine »… Il n’est clairement pas de paradis dans ma tête en ce moment. Pas dans l’indolence ou dans la quiétude paresseuse de l’esprit. Petit à petit, je tends l’oreille, en me doutant bien que cette fontaine que je veux atteindre est beaucoup plus profonde que ne le soupçonne le treuil trop court de mon intelligence. Je commence, donc, à plonger dans les difficultés insoupçonnées des autres, dans leurs expériences vives et inattendues, dans leur quête de compréhension. Jusqu’à ce que se produise le déclic. De quelle manière ? Cela est une autre histoire, aussi longue que notre rencontre, et que ceux qui n’y étaient pas pourraient comprendre en lisant ou en écoutant le matériel préparé par la Métropole en temps voulu... Je dirais seulement que, cette année, Monseigneur Joseph a provoqué des déclics répétés, nous montrant, de la hauteur de sa vision, qu’aucun des titres du programme n’a été choisi au hasard, et que derrière leur apparente simplicité se cache un abîme d’inquiétudes et de préoccupations. Ainsi, il a vite donné du sens et de la substance au séminaire de Daniela, en nous expliquant avec gravité combien il est urgent d’apprendre à gérer notre temps, et en évoquant, à titre d’exemple, les centaines de lettres et de mails reçus par la Métropole et restés non ouverts, ou les prêtres qui s’écroulent, entraînant aussi les leurs, parfois, sous le poids de leurs fardeaux, car ils ne peuvent pas dire « non » ou ne savent pas faire la différence entre « urgent » et « important ». Et j’ai senti mon humilité de volaille de basse-cour face à l’appréhension du monde par l’aigle survolant les hauteurs. Une fois ressortie, je comprends, à travers les bribes de mots portées par le silence du soir, que mon expérience a été, plus ou moins, celle des autres : ah, je ne savais pas que c’était si difficile pour vous…merci…quelle bonne idée…je n’imaginais pas…nous pourrons prier, nous aussi…
Je pense qu’en fait c’est bien cela le rôle d’une « université » : d’apprendre à ceux qui ne savaient et ne soupçonnaient pas ; à ces gens qui se réjouissent, cycliquement, de prier, de parler ou de se taire ensemble, sur lesquels descend la grâce de la rencontre, qui leur ouvre les yeux jusqu’au-delà, en les rendant tous éveillés et vigilants, afin qu’ils puissent goûter la quiétude de la continuité et de la stabilité seulement dans le trouble du renouveau.
Andreea Ionescu
Témoignage de Nell sur l’université d’été :
En ce dimanche 14 septembre, fête de l’exaltation de la Sainte-Croix, je trouve l’inspiration de témoigner, en tant que gérante du Centre Sainte-Croix de mon expérience de l’Université d’été 2014, très exactement deux semaines après sa fin…
Ce témoignage est très imprégné par l’homélie que Père Philippe a faite, ce matin, dans l’église de Sainte-Croix, dans laquelle nous nous sommes retrouvés pour cette fête très importante pour nous, nous qui vivons, prions et travaillons au « Centre Sainte-Croix ». Père Philippe, dans son homélie, nous a parlé de la Croix, symbole des contradictions qui nous habitent tous, et des difficultés que nous rencontrons, sans cesse, à répondre à l’appel de Dieu en nous et à l’exprimer de manière vivante et tangible dans nos vies. Son homélie parlait aussi de la nécessité d’accepter cette épreuve de la croix, sans la fuir, ni l’éviter, aussi inconfortable soit-elle, mais au contraire, de l’accueillir avec joie, comme une merveilleuse opportunité de grandir, et de croître, avec l’aide de Dieu, dans la connaissance de sa Volonté, pour notre transformation.
Au risque d’en choquer quelques-uns, je dois avouer que j’ai vécu l’Université d’été, cette année, comme une épreuve « crucifiante », dans toute la richesse du terme. Au départ, j’ai été assaillie par de terribles contradictions, entre mon désir sincère de recevoir comme des invités de marque les représentants de l’église orthodoxe roumaine présents, et la joie de les accueillir, mais tiraillée aussi par des difficultés d’ordre logistique, je me vivais comme « engloutie dans la besogne », «reléguée aux tâches matérielles » ! Heureusement, (Dieu soit béni !), j’ai reçu l’inspiration d’aller à l’église pour déposer ce fardeau que je ne savais pas porter seule… Et là, au milieu de tous réunis dans la prière, de nombreuses grâces m’ont été offertes, de nombreux messages d’amour et d’acceptation de l’autre, différent, certes, mais tout comme moi priant et désireux de vivre dans l’amour du Christ… Et j’ai senti mon cœur s’ouvrir, s’apaiser, et mon regard sur celles et ceux qui m’entouraient changer. Et plus mon regard sur les autres changeait, plus les autres changeaient d’attitude vis-à-vis de moi. Plus attentifs, plus prévenants, me (nous) remerciant de mille et une façons pour l’accueil, me (nous) proposant de conter pour les enfants, Jack et moi, et nous permettant ainsi d’exprimer notre part créative et m’apportant dans les échanges que nous pouvions avoir, (comme à l’atelier Marthe et Marie animé par Claude Delangle par exemple), des réponses éclairées et amicales à mes questions personnelles.
Puis nous avons partagé l’inoubliable Divine Liturgie du dimanche matin, qui efface toute tension, toute discorde, qui nous fait tous frères et sœurs d’une même famille, en Christ, au-delà des différences de culture et d’éducation !
Oui, je peux dire aujourd’hui, sans me trahir ni trahir ce que j’ai vécu à l’occasion de cette université d’été que je l’ai vécue « comme une merveilleuse opportunité de grandir, et de croître, avec l’aide de Dieu, dans la connaissance de sa Volonté, pour notre transformation ».
Merci la différence ! Merci la rencontre véritable avec l’autre ! Merci Sainte-Croix !
Vivement l’année prochaine !!!
Nell
Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon ! Ps. 34 : 9
Venez à l’église chaque dimanche et à Sainte-Croix chaque été…
Goûtez le Seigneur ! Voici l’invitation que je vous adresse. Cette invitation, on me l’a adressée aussi, à plusieurs reprises. Parfois je l’ai déclinée, hélas, d’autres fois je l’ai acceptée, Dieu soit loué, car Il n’a jamais manqué de me combler de Sa grâce. J’aimerais vous parler de deux de ces invitations que j’ai acceptées…
La première m’a été adressée par mon père spirituel, père Razvan, il y a quelques années. Je ne fréquentais plus l’église à cette période de ma vie, j’étais dans une sorte d’errance et, j’ai honte de l’avouer, c’était par commodité. Il m’a fallu quelques années avant de comprendre que la tentation ne se présentait pas sous la forme d’un contrat à signer avec son propre sang, qui promettait richesses et succès inouïs. Ce serait trop facile et nous refuserions tous, n’est-ce pas ? C’est beaucoup plus subtil que cela. La tentation est faite sur mesure et peut se présenter bêtement sous la forme d’une grasse matinée le dimanche matin. Alors, on se laisse tenter par des petites pensées inoffensives et, somme toute, légitimes pour les citoyens de ce monde rempli d’inquiétudes et de tracas quotidiens : je suis fatigué, c’est trop loin, il faut que je fasse encore un plein d’essence pour y aller et je n’ai pas beaucoup d’argent en ce moment, j’ai travaillé toute la semaine, le samedi je me suis occupé de ma famille, je ne veux qu’une heure ou deux pour moi. Dieu le sait, Il comprendra… Et voilà comment, à petite dose, petite pensée par petite pensée, on se laisse anesthésier spirituellement. Me voilà donc devant mon père spirituel, quelques années auparavant. « Je ne vais pas bien père, je ne sais pas pourquoi. Pourtant, je ne pense pas avoir fait quelque chose de bien grave. » Evidemment, en pleine anesthésie spirituelle, rien de ce que nous faisons n’est pas bien grave. « Mais bien sûr que tu ne vas pas bien ! » me dit-il. « Tu ne viens plus à l’église, tu ne sens plus la grâce. Il faut venir chaque dimanche pour s’en remplir ! » « Mais père, je suis fatiguée, c’est trop loin etc. » Et c’est là qu’il m’a invitée à venir goûter combien le Seigneur est bon. Et il avait raison.
La seconde invitation est plus récente et m’a été adressée par Andreea, chère amie et collègue. « Viens à Sainte-Croix », me dit-elle. « Mais c’est loin, c’est compliqué, j’ai déjà pris trois semaines de vacances… » J’ai fini par accepter. Dieu soit loué ! J’avais déjà entendu parler de l’université d’été et toujours du bien, mais il faut venir pour comprendre ce que cela peut nous apporter. Alors je me permets de vous inviter à l’université d’été l’année prochaine. Venez goûter toute la grâce que le Seigneur fait descendre en abondance sur les gens et sur les lieux. Venez humer la grâce du Seigneur dans l’air matinal en empruntant le sentier pour aller à la Liturgie et vous comprendrez l’hymne acathiste à la gloire de Dieu et vous direz vous aussi : « gloire à Toi pour la splendeur de la rosée matinale, gloire à Toi pour la joie du réveil baigné dans la lumière, gloire à Toi pour la beauté de Ta création ». Venez goûter à la grâce qui est en chaque personne, car si la tentation est faite sur mesure et monte en nous comme un serpent pour nous tirer vers le bas et nous embourber, la grâce est faite sur mesure aussi et oh combien plus douce, car elle descend d’en haut pour nous faire monter plus haut que nous n’aurions osé imaginer. Alors, transfigurés par cette grâce nous commençons à la voir, à la saisir, à la comprendre. Moi, je l’ai vue dans les enfants qui chantaient l’Evangile avec Hélène, j’ai dit : « gloire à Toi pour les joies limpides de mon cœur ». Je l’ai vue descendre divinement à travers les notes musicale de la famille Delangle et j’ai dit : «Tu nous révèles l’entrée de Ton royaume dans la douceur des chants, des résonnances et des voix, dans la splendeur de l’œuvre de l’artiste ». Je l’ai vue descendre apaiser des souffrances récentes ou enfouies sous la forme des paroles de consolation venant des prêtres ou des mères Silouana et Sofronia et j’ai dit « avec Toi rien n’est impossible à restaurer, Tu es pleinement Amour ». Et je l’ai vue se transformer en cette humilité qui dépasse la vaine grandeur rêvée par l’ambition humaine quand j’ai entendu le père Marc-Antoine remercier d’une voix émue ceux qui vont se confesser à lui. Et là, j’ai compris que le père vivait les paroles de l’Evangile « si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ». Je l’ai vue dans la simplicité et la joie sincères avec lesquelles Monseigneur Joseph s’est assis à la table des enfants. Ils l’avaient invité simplement et sans cérémonie : « tu veux manger avec nous ? » et tout aussi simplement et sans cérémonie, il a accepté. Je l’ai vue dans la patience de Monseigneur Marc qui s’arrête un instant donner la bénédiction à un enfant, même s’il a beaucoup à faire. Et je l’ai vue dans toutes les Marthes qui s’affairaient en cuisine pour nos repas et le matin j’ai vu ces Marthes devenir des Maries à la Liturgie.
Le Christ était avec nous à Sainte Croix cet été « car, là où deux ou trois se trouvent réunis en Mon nom, Je suis au milieu d’eux » (Mt. 18 : 20) nous dit-Il et là j’ai dit : « gloire à Toi, nous embrassons pieusement les traces de Tes pas invisibles ».
Mara Urcan Bourel
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