Conversions – Témoignages

publicat in Témoignages pe 10 Mars 2013, 16:19

« Ne cherche pas des œuvres qui me justifient totalement mais que la foi pour moi suffise, à la place de tout. C’est elle qui prendra ma défense, elle qui me justifiera, elle qui me fera participer à ta gloire éternelle. »

St Siméon le Nouveau Théologien, Hymne 26

L’histoire singulière d’une personne manifeste mystérieusement le résultat d’une synergie plus ou moins réussie entre elle et Son Créateur. C’est chose redoutable que de tomber dans les mains de notre Dieu. Comme l’or au creuset le processus de purification ne se fait ni sans souffrances, ni sans renoncements, ni sans peines. Ainsi en est‑il de celui‑ci qui essaie de devenir orthodoxe par la grâce de Dieu, renouvelant la grâce de son baptême pour la porter à son accomplissement.

Il est né de nouveau le 24 décembre 1988, baptisé par l’onction du Saint Chrême, il reçoit un nouveau nom : Emmanuel. Issu d’une famille paysanne du Lot‑et‑Garonne, baptisé par l’eau dans la confession romano‑catholique, il a, depuis son enfance, participé à la vie catéchétique dans son village. Emerveillé par le rituel, il trouve dans l’église et dans son cœur, le réconfort de pouvoir parler à son Père des Cieux. Il y trouve aussi des amis très chers, des copains de jeu, jeunes coliturges attentifs et soigneux. Lors des mariages, il sonne la lourde cloche de l’église à toute volée, s’envolant vers les hauteurs, emporté par son poids. Comme un enfant, il a le sens du sacré et des choses saintes. A l’adolescence, portant caché dans son cœur le message évangélique, il soutient dans ses révoltes et auprès de ses congénères, que Dieu n’abandonne jamais sa créature, qu’Il espère son salut, qu’Il l’aime et qu’Il ne supporte pas que se perde l’œuvre de Ses mains. Que malgré toute apparence, le mal ne triomphe pas, que l’homme et la création sont bons par nature et que l’homme aime et est aimé.

Etait‑ce cette espérance qui le porta à rencontrer l’Eglise Orthodoxe ? Etait‑ce le désir de vivre plus intensément la relation à Dieu ? Etait‑ce cette prise de conscience de l’absurdité de la vision juridique et moralisante de la confession dans laquelle il était ?

Une rencontre et sa vie bascule dans un tout autre monde. Il devait avec une amie orthodoxe se rendre à l’église orthodoxe pour célébrer, la nuit du vendredi de la Grande Semaine, les vêpres de la mise au tombeau du Christ. Cela aurait pu ne jamais arriver car, pris d’un terrible mal de dents, il avait badigeonné la dent douloureuse avec un produit anesthésiant malheureusement périmé de longue date, qui avait ajouté au mal de dent, de terribles maux de ventre qui l’avaient contraint d’appeler les urgences médicales et de rester alité. Grâce à Dieu, il put tout de même se lever peu après et aller à l’église avec son amie cette nuit‑là. Dans la petite église orthodoxe, il n’y avait pas assez d’hommes présents pour porter l’épitaphios1. On lui demande s’il était baptisé et chrétien. Après sa réponse positive, on lui propose donc de porter l’icône de la mise au tombeau du Christ. Il n’avait évidemment jamais fait de grandes prosternations de sa vie. La souffrance de la Mère de Dieu marquée sur son saint visage l’a bouleversé. Depuis ce jour, il n’a plus quitté l’Eglise. Il a été reçu dans la communion de la Sainte Eglise Orthodoxe l’année suivante, le jour de la Nativité de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus‑Christ, il avait 20 ans. Gloire à Toi Seigneur !

Dix ans plus tard, il y eut la rencontre déterminante avec Son Eminence, l’archevêque et métropolite Joseph et toute la communauté orthodoxe roumaine de France. Rencontre également avec Son Excellence l’évêque Silouane alors évêque vicaire de l’archevêque Joseph. Ce fût la découverte d’une toute autre orthodoxie car l’orthodoxie même si elle est une est également polymorphe et recouvre de multiples facettes. Il vit cela comme une grâce immense, un approfondissement, un enracinement dans la foi, plus profond, plus authentique, plus réel. La jeune plantule ayant trouvé sa terre, ses racines commencèrent à s’y enfoncer.

Sa terre, c’est aussi sa future épouse qu’il rencontre dans l’Eglise Orthodoxe Roumaine et qui est devenue une ancre, un port pour son salut. Rencontre qui lui ouvre grandes les portes d’une orthodoxie authentique, vécue depuis l’enfance, le greffe spirituellement et physiquement à une lignée orthodoxe ininterrompue depuis le saint apôtre André, évangélisateur de la terre roumaine. Cette orthodoxie qui a modelée jusque l’inconscient des roumains. Ce qui en occident, peut être difficilement compréhensible, inenvisageable parce que totalement perdu et qui ne pourra être retrouvé sinon qu’en épuisant de très nombreuses générations. C’est bien ce vécu bi‑millénaire d’orthodoxie, qui au gré des persécutions, non seulement a survécu jusque dans l’inconscient des fidèles orthodoxes, mais a aussi produit une multitude de saints, et lui a ainsi permis de rejaillir, de repousser comme les rejetons d’une plante brutalement taillée.

Par la grâce du Saint Esprit, le 21 mars 2010, il est ordonné diacre de l’Eglise Orthodoxe de Roumanie. Comment a‑t‑il été donné à un petit paysan du Lot‑et‑Garonne de rencontrer la toute précieuse orthodoxie et par elle Celui qu’elle confesse et glorifie, Celui qui est le Chemin, la Vérité, et la Vie, le Christ, vrai Dieu, vrai homme, présent en plénitude dans Son Eglise ?

Cette orthodoxie qui imprègne inconsciemment parfois les fidèles, est frappante dans l’Eglise roumaine. On y rencontre des jeunes d’une qualité, d’une maturité exceptionnelle. Des jeunes ayant le sens du service, du don de soi, de l’hospitalité, de l’attention à l’autre. Des jeunes vivant dans des conditions de vie pourtant très précaires, déracinés, étrangers, rejetés, exploités, mais toujours prêts à partager le peu qu’ils ont et à rendre grâce à Dieu pour tout en se confiant à Lui Seul. Des exemples. Le père Placide, higoumène du monastère Saint Antoine dans le Vercors, disait récemment : « L’immigration roumaine est une catastrophe pour la Roumanie mais une bénédiction pour la France et l’Europe Occidentale ».

Soyez donc bénis frères roumains, qui par votre générosité, offrez à la France et à toute l’Europe, ce que vous avez de meilleur : votre foi dans le Dieu trinitaire et votre précieuse intimité avec l’Eglise du Christ.

Rendons sans cesse grâce à Dieu frères et sœurs en Christ, qui avez été choisis par Dieu, mis à part de ce monde occidental particulièrement déboussolé et malade, afin d’unir vos voix aux anges en chantant l’hymne du Trois‑fois‑Saint. Car dans l’Eglise, « il n’y a plus ni juifs, ni grecs, ni circoncis, ni incirconsis, ni barbare, ni Scythe, ni esclave, ni homme libre, mais Christ qui est tout en tous » (Colossiens 3, 11). Qu’avons‑nous besoin d’autre que nous n’ayons dans la Sainte Eglise du Christ ? « Qui donc t’aimant ira chercher quelque chose d’autre ? » (Saint Syméon le Nouveau Théologien, hymne 12). Mettons‑nous donc humblement à l’école de cette orthodoxie, de cette Eglise bi‑millénaire, de cette tradition ininterrompue que, pour nombre d’entre‑nous mêmes nos, propres parents n’ont pas vécu. Ne sommes‑nous pas comme de jeunes pousses bien fragiles qui ont encore besoin de beaucoup s’enraciner dans la foi de nos pères ? Cette vraie foi qui doit imprégner chaque parcelle de notre être, pour que la terre de France produise de nouveau ce qu’elle a de meilleur à offrir à Dieu : des saints.

Notes :

1. Objet de culte sous forme d’un bout d’étoffe brodé ou peint représentant la mise au tombeau du Christ entouré de Sa Mère, parfois de quelques femmes, de saint Jean l’évangéliste, de Nicodème et de Joseph d’Arimatie.