Ajouté le: 10 Mars 2012 L'heure: 15:14

Pourquoi avez‑vous peur, gens de peu de foi ? (Mt. 8, 26) (I)

« Quand un homme demeure dans la connaissance et la vie du corps, il craint la mort. (…) Mais quand il parvient à la connaissance de la vérité parce qu’il s’est mis à sentir les mystères de Dieu et qu’a été confirmée en lui l’espérance des biens à venir, celui qui craignait pour son corps d’être immolé comme une bête, est absorbé par l’amour. L’homme raisonnable craint le Jugement de Dieu. Mais celui qui est devenu fils reçoit la beauté de l’amour. Il n’est plus mené par la verge de la peur.  (…) Celui qui est parvenu à l’amour de Dieu ne désire plus demeurer ici bas. Car l’amour abolit la peur. »

Saint Isaac le Syrien, « Discours ascétiques »

 

Pourquoi avez‑vous peur, gens de peu de foi ? (Mt. 8, 26) (I)

La peur est une réaction naturelle de la conscience humaine et de la créature mortelle face à un univers insondable et illimité – « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » (Pascal) –, car l’homme connaît alors son insignifiance, sa faiblesse et sa fragilité devant les forces colossales de la nature et de l’univers, par lesquels se manifeste la toute puissance divine : « Le tout premier sentiment religieux c’est la peur, non une peur qui engendre les dieux, mais qui est engendrée par eux. La première image de la divinité, c’est le feu invisible, caché, force qui dévore tout, pouvant transformer tout en chaos ; le premier culte est le sacrifice sanglant. Et, en cela, rien n’est artificiel, ni arbitraire. Il doit en être ainsi, tant que l’homme vit hors de Dieu, tant que les passions mauvaises le dominent » (Vladimir Soloviev – Les fondements spirituels de la vie).

Ce que nous appelons « monde » n’est jamais autre chose qu’une vision de la conscience humaine  qui se projette dans l’espace environnant. Ainsi, aux yeux d’un incroyant, le monde apparaît comme étant dominé par des forces aveugles et hostiles à l’homme, qui tôt ou tard vont nous anéantir. Il en résulte un état permanent d’inquiétude et d’anxiété, qui est devenu le trait dominant de la psychologie de l’homme moderne. Etat d’esprit que nous décrit Tolstoï, qui  a connu, avant de retrouver la foi, la crise morale et les angoisses de l’homme sans Dieu : « J’étais comme un homme perdu dans une forêt, terrifié à l’idée d’être perdu et qui court dans tous les sens en cherchant un chemin en sachant qu’à chaque pas il se perd d’avantage (…). Je cherchai dans tous les domaines et non seulement je ne trouvai rien, mais je compris  que ceux qui, comme moi, avaient cherché dans la connaissance, n’avaient rien trouvé non plus. Non seulement ils n’avaient rien trouvé, mais ils avaient reconnu  que cette même chose qui me plongeait dans le désespoir, l’absurdité de la vie, est l’unique connaissance incontestable accessible à l’homme ». Tolstoï, homme riche, célèbre,  comblé par la vie,  parvient à la même conclusion que l’Ecclésiaste (1, 14) : « tout est vanité et poursuite du vent », car au bout de tous nos chemins dans ce monde « la seule chose absolument sûre qui nous attende c’est la mort » (P. Evdokimov) : « Il m’était arrivé quelque chose comme ceci : à un moment dont je ne me souvenais plus, on m’avait fait monter dans une barque, on m’avait poussé sur l’eau à partir d’une rive inconnue (…) Et j’avais été emporté loin, si loin que j’avais entendu le bruit des rapides contre lesquels je devais me briser (…) Devant moi, je ne voyais que la mort vers laquelle je courais et que je craignais, ne voyant de salut nulle part, ne sachant que faire ; puis en me retournant, j’ai vu d’innombrables barques qui bravaient sans cesse le courant, je m’étais rappelé la rive, les rames et la direction, et j’avais commencé à ramer de toutes mes forces en arrière, à contre courant, vers la rive. La rive c’était Dieu, la direction, la tradition, les rames la liberté qui m’avait été donnée d’aller vers la rive, de me joindre à Dieu. Ainsi la force vitale m’était revenue, et j’avais recommencé à vivre » (L. N. Tolstoï – Confession).

Contrairement à l’homme sans Dieu qui se laisse emporter par le courant de l’existence, qui le conduira inévitablement à sa perte, l’homme religieux  utilise la « rivière » de la vie comme un moyen de salut et de retour à Dieu. L’incroyant  ne connaît que le monde naturel, condamné à mort par ses propres lois, tandis que pour l’homme religieux, le monde sous tous ses aspects comporte un caractère surnaturel et sacré, en tant que manifestation « d’une réalité qui n’appartient pas à notre monde », mais qui se révèle à nous par les choses de ce monde, constituant leur véritable signification et raison d’être, car aux yeux de l’homme religieux « c’est  le sacré qui est le réel par excellence » (M. Eliade – Le sacré et le profane)

Le monde sanctifié par l’Esprit de Dieu, n’est plus et ne peut plus être une force aveugle et hostile à l’homme, mais constitue un lien et un moyen de communication entre l’homme et Dieu. La Divinité nous révèle, par l’intermédiaire du monde visible, sa nature invisible et « ses propres qualités, comme volonté infiniment bonne, parfaite, comme esprit d’amour qui pénètre et vivifie tout » (Vladimir  Soloviev, op. cit.).

Puisque Dieu est le Bien suprême  et que tout ce qui se produit dans ce monde ne saurait  exister sans Sa volonté ou Sa permission, de quoi et de qui pourrions‑nous avoir peur, si nous avons foi en Dieu ? « C’est pourquoi  dis toujours à ton âme : Celui qui me garde veille sur moi, et nulle créature ne peut venir devant moi que si elle en a reçu l’ordre d’en haut. (…) Tu seras ainsi empli de joie jusque dans tes tentations, car tu sais et sens précisément que l’ordre du Maître te gouverne et te dirige. Porte donc ton cœur à te confier dans le Seigneur et ne crains ni la terreur nocturne ni la flèche qui vole le jour. Car il est dit que la foi du juste, la foi en Dieu, apprivoise les bêtes sauvages, et les rend comme des brebis » (St. Isaac le Syrien, op. cit. ).

Toutes nos inquiétudes, nos appréhensions,  nos angoisses, quelles que soient leurs causes apparentes, ont toujours une seule et même racine : la faiblesse et l’imperfection de notre foi. Car la peur est une forme de refus de la volonté de Dieu, laquelle ne coïncide pas toujours avec notre propre volonté.  La peur  nous sépare de Dieu, car elle provient toujours de notre attachement à ce monde et à l’homme de chair : « Ne savez‑vous pas que l’amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu » (Jacques, 4, 4).        

Ce n’est en effet, qu’après avoir perdu la foi en Dieu, sans quoi ils n’auraient pas transgressé  Sa volonté,  qu’Adam et Eve ont connu la peur et se sont cachés « loin de la face de l’Eternel Dieu », qu’ils ressentent désormais comme un étranger et un ennemi potentiel : « J’ai entendu ta voix dans le jardin et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché » (Ge. 3, 10).      

De la même façon, l’homme qui s’est séparé de Dieu, porte sur lui‑même un regard profane, qui ne voit que son corps de chair et s’identifie à celui‑ci, mettant un trait d’égalité entre sa personne et sa nature animale, comme le font les sciences matérialistes. Dès lors que la personne humaine est désacralisée, elle perd sa ressemblance avec le Père éternel, et retombe au rang des animaux et de la matière inanimée, car sans Dieu, l’homme n’est que poussière et retournera dans la poussière (Ge. 3, 19).  

La peur sous toutes ses formes est donc la conséquence de la chute de l’homme, qui s’étant éloigné de son Père éternel, se trouve désarmé et sans secours devant les vicissitudes de la vie et devant la mort. Si notre foi en Dieu était aussi parfaite et indissociable de notre personne que la confiance totale d’un petit enfant à l’égard de sa mère, la peur, qui n’a pas été créée ni voulue par Dieu et qui nous sépare de son amour, disparaîtrait du même coup : « La foi de l’âme est semblable à un petit enfant qui s’attache à sa mère et  veut se trouver toujours auprès de celle‑ci, et qui, quels que soient ses besoins, tend toujours ses menottes vers elle. De même, la foi, laissant entièrement de côté le monde créé, s’attache toujours à Dieu, car elle est son enfant, et pour n’importe quel besoin ou souci, elle court vers Lui ; c’est à Lui qu’elle demande secours et protection ; c’est sur Lui qu’elle s’appuie, comme sur son Dieu tout puissant, d’une sagesse infinie, le vrai Dieu, qui ne peut mentir, le doux et miséricordieux Père, en qui elle met tout son bonheur, de sorte que leur séparation lui apparaît comme le plus terrible malheur, de même que pour un petit enfant, se trouver auprès de sa mère signifie bonheur et protection, et la séparation avec elle, le plus grand malheur. Ainsi, je te le dis, la foi met tout son espoir en Dieu, son Créateur et son Père, se tient en toute circonstance auprès de Lui, son protecteur et son secours, espérant toujours Son soutien tout puissant, Sa miséricorde et Sa promesse qui n’est point trompeuse : « Je ne te délaisserai pas ni ne t’abandonnerai » (Hébreux 13, 5). » (Saint Tikhon de Zadonsk – Lettres de sa cellule).

Viorel Ştefăneanu, Paris

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